PREMONITION
Rêveur, je vaguais dans les ruelles.
Le vent hivernal, si froid que la Marne était gelée, soufflait avec force. Chacun était emmitouflé dans des vêtements noirs et chauds. Je passai à contresens devant une épicerie juive dont la vitrine était brisée sans doute à cause de cette affaire militaire touchant la France entière.
Soudain, je glissai et tombai en arrière. Ma tête heurta violemment le sol verglacé, dissimulé par le fin manteau de neige légère et blanche.
Je me relevais la tête douloureuse et baissée. Je la frottais pour estomper la souffrance. Ensuite je vis une chose horrifiante et inexplicable. La ruelle que je parcourais n’était que ruines et gravats. Sur les restes d’immeubles il me semblait distinguer les marques d’incendies passés. Un monde oppressant en camaïeu de gris nappé d’un brouillard qui s’épaississait. Les bruits de la foule étaient remplacés par des sons semblables à des sifflements de balles et des détonations sourdes d’artillerie.
Je regardai alors mes habits. Quel drôle d’accoutrement ! Un uniforme et un casque militaires bleus m’habillaient. Un lourd sac, peut-être rempli de vivres et de munitions, que je ne sentis qu’alors, infligeait son poids à mon dos. Enfin un fusil, dont la technologie semblait plus avancée que celle que je connaissais, se tenait à mes pieds.
J’entendis tout à coup des voix. C’était des paroles pour moi incompréhensibles. Elles avaient des consonances particulièrement rudes. Peut-être des immigrés alsaciens. J’entendis ensuite des pas résonner. Ils semblaient venir de tous les côtés. Avec cet épais brouillard je voyais à peine le haut des immeubles détruits environnants.
Une vague silhouette apparut au bout de la rue encore visible. J’essayais vainement de reconnaître les contours de cette dernière. D’autres ombres apparurent. Il y en avait toute une escarmouche. Cela faisait une masse compacte. Soudain j’entendis : « Ein Franzose ! Tötet ihn ! » Je reconnus les casques à pointes. Des Allemands nous envahissaient. Je fus tétanisé. Ils me tuèrent comme dans un peloton d’exécution. Je tombai lourdement en arrière.
Soudain je me réveillai allongé dans la neige. J’étais haletant les yeux rivés vers le ciel gris d’hiver.
Je me relevais puis observais les alentours. Une foule s’était amassée autour de moi. Je retrouvais un décor normal avec les immeubles à trois étages ni brûlés, ni détruits. Un manouvrier réparait la vitrine de l’épicier juif. Je me calmai et je concluais que ma chute m’avait offert un effroyable rêve. Ce n’était qu’un rêve.
Pourtant, ça paraissait si réel.
PS: Je voudrais surtout savoir si le poème respecte bien les règles du poème en prose et si le poème peut s'inscrire dans les registres du fantastique et de l'étrange